"Mamaaaaaaan! Ash il m'embête! Il veut pas me rendre ma poupée!" "C'est elle qui a commencé!"
"Même pas vrai, d'abord! Tu es trop bête!"
"Non, c'est toi qui l'est!"
"Non, toi!"
"Non, toi!"
"STOP!", s'écria leur mère en débarquant dans la chambre. Un stylo à la main, voilà plus d'un demie heure qu'elle essayait de se concentrer pour corriger l'énorme pile de copies posée sur son bureau. Mais impossible alors que ses deux jumeaux se disputent sans cesse. Et le pire c'est qu'ils ne s'arrêtent même pas pour respirer ou pour se calmer! Et une fois que la goutte a fait déborder le vase, elle s'est senti obligée de se lever pour aller calmer les deux terreurs qui lui servent d'enfants. Pourtant, ils ne sont pas les premiers de la fratrie et elle devrait être habituée aux cris: Mais les jumeaux sont comme ça, ils ne tiennent pas en place et passent lur temps à se disputer et ce bien qu'ils ne soient âgés que de cinq ans!
"Ash, rends tout de suite sa poupée à ta soeur", elle regarda patiemment son fils tendre la Barbie en boudant, avec toute la mauvaise grâce du monde. Sharlee tira la langue à Ash, satisfaite et sa mère la fusilla sur regard. "Quant à toi jeune fille, tu vas me faire le plaisir d'arrêter de faire le bébé. Vous êtes jumeaux et vous vous entendez très bien, alors par pitié faites que ça continue!"
Sur ce, elle lança un regard purement préventif à ses enfants avant de tourner les talons et de quitter la pièce. Sharlee et Ash se regardèrent en chien de faïence avant de se tourner le dos juste pour faire la tête. Et finalement même pas dix minutes plus tard, la dispute a été totalement oubliée et les jumeaux jouent ensembles comme si rien ne s'était passé.
CHAPITRE 2
"Maman va nous tuer, vous croyez?", demanda Ash d'une voix tranquille mais teintée d'angoisse tout de même.
A côté de lui se tient Sharlee, comme d'habitude. Et à côté d'elle sont assis Carter et Adriel, leurs petit soeur et petit frère. Tous sont débraillés, ont les cheveux en bataille. La lèvre inférieure de Sharlee est fendue et l'on distingue des traces de griffures sur son cou. Ash, quand à lui, a l'arcade gauche fendue et les poings légèrement enflés. Et pour tout dire, Adriel et Carter ne sont pas mieux.
"Je pencherais plus pour papa, en fait.", répondit-elle sur le même ton.
Elle sait qu'ils vont tous passer un sale quart d'heure, pourtant elle ne peut s'empêcher de sentir qu'elle n'a pas mal réagi en donnant une bonne gifle à la pétasse qui avait osé se moquer de se sa petite soeur tout ça parce que celle-ci portait un appareil dentaire. La moquerie s'est transformée en dispute lorsque Sharlee s'en est mêlée et après ça a tourné à la bagarre dans le collège entre quelques élèves et les quatre membres présents de la fratrie Wentworth. Et les voilà assis ici, dans ce couloirs, devant le bureau du principal: ils attendent que ceux qu'ils ont affrontés sortent pour y passer à leur tour. Puis bien sûr ils attendent également que leurs parents déboulent, alertés par le principal himself. Bref, tout ça n'a rien de très réjouissant pour eux.
"Une bonne soirée en perspective, pas vrai?", lança finalement Adriel en souriant légèrement.
Il n'a peut être qu'un an de différence avec les jumeaux, il est peut-être plus jeune, mais c'est également le plus casse cou et le plus rebelle de tous. Lui ferait tout pour sa famille, y compris se battre alors qu'ils n'était pas concerné. Il a simplement vu la scène et, ne sachant même pas pourquoi Ash et Sharlee s'étaient énervés, il a tout de même foncé.
"Allez, je parie sur un mois.", dit Sharlee en souriant.
"Idem", répond Ash en suivant son raisonnement.
"Pfff, bande de petits joueurs!", lance Carter qui n'avait pas encore ouvert la bouche. "On était quatre là dedans, on prendrait au moins deux semaines chacun, juste pour nous dissuader de recommencer!"
"Deux mois? Oui, c'est possible. Je tiens le pari avec toi, soeurette", réplique finalement Adriel.
Deux contre deux. Ils se tapent dans les mains et préparent chacun leurs billets de vingt dollars, qu'ils garderont sur eux jusqu'à ce que leurs parents leurs annoncent combien de semaines ils seront punis pour s'être battus.
CHAPITRE 3
"Eh, vous pouvez pas faire un peu attention?"
"Oh, j'suis désolé. Vraiment."
Vendredi soir, San Francisco. Sharlee est de sortie avec ses amies et marchait tranquillement dans la rue, jusqu'à ce qu'on la percute si fort qu'elle avait manqué de tomber. Excédée, elle leva les yeux et rencontra ceux du jeune homme qui avait l'air réellement désolé pour le coup. Le coeur de Sharlee loupa un battement et elle resta figée comme une idiote quelques secondes avant de se reprendre en entendant ses amies l'appeler d'un peu plus loin. Elle souffla et secoua la tête, se sentant soudainement idiote d'avoir réagi aussi violemment.
"Non, c'est pas grave. Pas de bobos, tout va bien."
Il sourit et Sharlee a l'impression qu'un feu d'artifice explose dans son ventre, dans son coeur. Jamais elle n'avait ressenti ça avant et ça la fait légèrement flipper. Alors elle se détourne, essaie de ne pas regarder ce type carrément canon qui lui sourit.
"SHARLEE!", crient à nouveau ses amies, la faisant sursauter.
"Je euh...je dois y aller. Au revoir!"
Puis, tirée par sa meilleure et plus vieille amie, Sharlee tourna à l'angle de la rue: Et son regard n'avait pas lâché celui de l'inconnu tout du long avant qu'il disparaisse, caché par le bâtiment qu'elles venaient de contourner. Elle se sentit soudainement triste de s'éloigner de lui mais ne dit rien, se contentant d'essayer de le sortir de sa tête.
Pourtant il ne fut jamais bien loin et elle a toujours cru que le destin avait joué en sa faveur lorsqu'elle le croisa à nouveau le lendemain, dans la file d'attente d'un café.
CHAPITRE 4"Merde, merde, merde", répète inlassablement Sharlee en faisant les cent pas dans sa chambre. Elle est seule chez elle, chose rare depuis qu'elle a commencé ses études et qu'elle s'est mise en collocation: Mais apparemment là tout le monde est en parti bosser et il ne reste qu'elle. L'envie d'appeler son jumeau la démange, comme à chaque fois qu'elle est perturbée, triste ou qu'elle déborde de joie. Aujourd'hui en l'occurrence, Sharlee est plus que perdue, totalement déroutée, désorientée. Alors elle marche, se contente de faire les cent pas à travers la petite pièce qui lui sert de chambre pour le moment. Elle passe une main dans ses longs cheveux en soupirant, les larmes aux yeux alors que dans son autre main, elle tient un test de grossesse. Un test positif, évidemment. Là est tout le problème, en fait. Elle n'est pas censée être enceinte! Pas elle! Pas alors qu'elle est presque au bout de ses études, qu'elle a même commencé un boulot à mi-temps! Et surtout pas après à peine six mois de relation avec le garçon avec qui elle sort! Pourtant il est là, le + bleu...Voir bleu foncé, signe que ça fait un bon moment que le bébé est en route et qu'elle n'a pas été capable de s'en rendre compte. En colère, incertaine, triste et chamboulée, Sharlee se laisse tomber sur son lit pour fixer le plafond. Ce soir, elle voit son petit ami. Ce soir, elle va lui dire toute la vérité et ça risque de ne pas être très jolie. Tout ce que Sharlee espère, c'est qu'il ne va pas l'insulter ou même l'abandonner: Ce serait le pire, non?
Si elle avait su qu'effectivement, il allait la planter là après avoir rompu, elle se serait abstenue, en fait.
CHAPITRE 5
"Et qu'est-ce que tu vas faire du bébé? Alors que tu n'as même pas encore de boulot stable!"
Sharlee soupire. Et c'est reparti. Voilà plus de cinq mois qu'elle vit ça: Sa mère qui l'attaque à propos de sa grossesse. Il était trop tard pour qu'elle avorte lorsqu'elle a appris pour le bébé -et de toute manière ça aurait été hors de question- et depuis, sa mère lui rabâche qu'elle devrait sans doute faire adopter son enfant. Qu'elle est trop jeune, trop immature pour être mère. Et si au début Sharlee s'offusquait des remarques lancées par les membres de sa propre famille, elle a fini par être saoulée. Fatiguée d'entendre toujours les mêmes choses. Elle qui était proche de sa famille enfant, elle a fini par ne plus pouvoir rester dans la même maison qu'eux plus d'une heure et là elle sent que ce n'est plus suffisant. Elle a de plus en plus besoin d'air, d'espace. Oui, Sharlee veut partir et c'est exactement pour ça qu'elle a tenu à venir rendre visite à sa famille aujourd'hui.
"J'en trouverais. Il y a du travail de partout de nos jours. L'important là dedans c'est que je m'en vais. Jamais je n'aurais cru en venir là, mais j'en peux plus de vos réflexions, de vos regards et de vos jugements. Vous allez être grands-parents, merde! Et vous allez tout louper juste parce que vous êtes trop têtus pour voir que je suis capable de m'en sortir seule, sans mon ex!"
Elle se leva, son regard croisa celui de son jumeau qui semblait avoir envie de la suivre-comme toujours, lui est le seul à ne pas la regarder de travers- et Sharlee finit par claquer la porte. Un poids immense sembla se retirer de ses épaules et elle partit.
Voilà deux mois qu'elle s'est libérée.