Nous étions les Callaghan.
Si seulement les choses s’étaient déroulées simplement. Si seulement, ils s’en étaient tenus à cette simple phrase, pourtant porteuse de tant de sens, et enfin ! Si seulement, après la naissance du petit dernier, la vie avait poursuivi tranquillement son cours. A l’époque, Adam et Bonnie Callaghan, jeunes mariés, s’aimaient éperdument. Bonnie donna naissance à Neal, tout d’abord, la fierté de son père, l’amour de sa mère. Un enfant promis à de grandes choses, de toute évidence. Deux ans plus tard viendrait Juliet, l’unique fille de la fratrie. Enfin, cette dernière fut complète avec l’arrivée de Jeremy, cinq ans après Neal. Et ce fut à ce moment-là que les choses basculèrent, quand, à l’époque, le plus jeune était trop petit pour comprendre. Son père lui expliqua que sa mère avait perdu la vie peu de temps après son accouchement et au début, même les deux aînés le pensèrent de toutes leurs forces parce qu’en effet, Bonnie disparut rapidement de la circulation.

Et la vérité, Neal ne la découvrit que bien des années plus tard, par un paquet de lettres rédigées par sa mère à l’adresse de son père. En réalité, Bonnie, déjà fragile au départ, avait sombré de plus en plus après la naissance du benjamin et fut envoyée dans un asile psychiatrique quelque part dans l’Oregon, sans jamais en informer ses enfants. Adam préféra leur dire qu’elle était morte, c’était peut-être plus facile à encaisser. Plus facile que votre mère est folle, les gosses, elle est folle et complètement hystérique. Neal découvrit la vérité quelques années plus tôt, peu de temps après le départ de leur père du domicile familial, en fouillant dans ses affaires et la réalité lui tomba brutalement dessus : si leur père était parti, alors que l’aîné n’avait que vingt-trois ans, c’était après le suicide de Bonnie Callaghan. Lasse de vivre, désespérée, dix-huit ans après sa prétendue mort, elle avait définitivement et irrévocablement mis fin à ses jours. Il ne parvint à cacher la vérité à Juliet, si perspicace et clairvoyante, mais d’un commun accord, ils décidèrent de cacher tout à Jeremy. De ne pas lui avouer que leur mère, soi-disant morte depuis toutes ces années, venait de se suicider et que leur père, dévasté, avait quitté le navire à son tour. Trop douloureux à supporter. Sauver ce qui pouvait encore l’être.

Aujourd’hui, il ne reste plus qu’eux trois, Neal, Juliet et Jeremy. Chacun est devenu adulte, mène une vie suffisamment correcte, mais ils sont malgré tout restés très soudés, comme le voulait leur père quand ils étaient enfants. Les membres de la famille Callaghan seraient probablement prêts à mourir les uns pour les autres, mais pourtant, le secret de leur mère demeure, bien vivant dans les mémoires, prêt à refaire surface. Comme une bombe à retardement désireuse de tout décimer sur son passage.